mercredi 28 octobre 2009

Si c'est du papier... c'est donc du dessin...


Irene Caesar, Contribution to Abstract Expressionism; Fragment, Spring 2009, Photography. (Absurd Performances Documented by Photography.)

Angel Orensanz Foundation
172 Norfolk St.,
NY, NY 10002
The exhibition is open until November 27, M-Fr 10-6

“My goal is to create images of performances that make people live in front of the camera in a more intense way than how they live in their everyday lives. In this sense, my staged photography is a counter-staged photography. And that is why my images are not simply movie stills, which are the artificial and mannerist cuts from externalized action. I define my style as theatre of absurd documented by photographic means. The project “A New History of Ideas in Pictures” includes works done in the studio in the form of absurd performances. Each image is a part of a set of images (usually 3 to 5), which represents the entire continuous performance.” - Irene Caesar

Irene Caesar was born in St. Petersburg, Russia in 1963. She received her education as an artist in the Peterhof Art School, class of Mark Tumin, who transferred to her the legacy of Russian constructivism of the 1920s, surviving only via the oral tradition in word of mouth from a teacher to pupil under the strict veto of communists. The message was to look for the meaningfulness of abstraction or for the constructivist foundations of the meaning. In this tradition, art was necessarily conceptual, and philosophy and art were inseparable. Irene Caesar received her BA in philosophy from St. Petersburg University, Russia in 1985. After 10 years as an artist in Russia, she emigrated to the US in 1994.
Voir : http://www.irenecaesar.com/

samedi 24 octobre 2009

Mel Bochner, Theory of painting


« E. d. C. […] C’est à cette époque que deviennent populaires les images où l’on voit Matisse en train de travailler à ses gouaches découpées, installé dans son lit ou sur un fauteuil, des ciseaux à la main, avec des assistantes qui l'aident à placer ces éléments sur le mur. En 1970, Mel Bochner, qui est alors un des pionniers de l'art conceptuel, réalise une œuvre, Theory of painting, qui est un écho de ces images, avec des rectangles de papier bleu répandus sur le sol, en quatre configurations - leur rassemblement ou leur dispersion faisant autant de compositions, en bleu […] [Note : Dans un mail à Eric de Chassey, Mel Bochner précise : « L’une de mes inspirations initiales était une photographie de Matisse âgé, dans son atelier de l’hôtel Régina, travaillant à un dessin pour la chapelle avec le sol couvert de journaux. (Et puis, bien sûr, il y a la couleur bleu, sans oublier le papier peint…)] »
Mel Bochner, Theory of painting, peinture au spray sur papier journal et Letrasets, dimensions variables, MoMa, New York, 1969.
Y.-A. B. : Je pense que cette œuvre est d'abord une entreprise un peu ironique, mais en même temps efficace, pour dire que la peinture, ce n'est pas uniquement ce que Greenberg en dit ou en fait. On peut penser le médium d'une manière critique tout à fait différente de celle qu'emploie Greenberg. La référence à Matisse est alors présente d'une manière assez légère, mais elle fait partie d'une interrogation de fond sur les notions de couleur, de plan, notamment, notions que Greenberg a simplifiées lorsqu'il les a appliquées à Matisse. La matérialité même de ce bleu recouvrant du papier journal – en particulier dans la configuration où le carré bleu est posé sur un assemblage désordonné de journaux – fait penser à la surface des papiers découpés, non pas aux reproductions qu'on en voit dans Jazz ou dans Verve, mais tels qu'ils sont dans la réalité, par exemple dans les grands panneaux décoratifs, avec leur myriade de petits bouts racolés. Il y a également une interrogation sur la notion d'all-over, avec le passage du resserré à la dispersion et vice versa, deux fois de suite. Mais le propos de Bochner, à ce moment-là, longtemps avant qu'il ne revienne vraiment à la peinture, c'est une analyse phénoméno-technologique des méthodes et des médiums dans l'art. Il fait la même chose avec la photographie ou la sculpture. Ici, il fait donc un clin d'œil à Matisse. Pas beaucoup plus que cela, à mon avis, mais quand même. En tout cas, Matisse, ou plutôt le rapport de Matisse à la surface devient emblématique de la possibilité, de la manière dont on peut parler de la peinture à l'époque. »
Extrait d’un entretien entre Yve-Alain Bois et Eric de Chassey, “Matisse dans l’art américain” in Ils ont regardé Matisse. Une réception abstraite Etats-Unis/Europe 1948-1968, Musée Départemental Matisse Le Cateau-Cambrésis, éd. Gourcuff Gradenigo, 2009, pp. 139-140.

Anciens étudiants de l'atelier

Didier Leemans, Ombres - dessin
Exposition Galerie Découverte de l'Iselp
Bd. de Waterloo, 31
1000 Bruxelles
du 22 octobre au 5 décembre 2009
du lundi au samedi de 11 à 17 h 30.

dimanche 11 octobre 2009

Jan Voss


Jan Voss, Sans titre, 1978, 190 x 280 cm.
« Le fil qu'Ariane tient pour Thésée tandis qu'il avance dans le labyrinthe, les cailloux que le petit Poucet sème sur sa route pour pouvoir ensuite la retrouver, les phares et les balises qui préviennent les navires des écueils ou des hauts-fonds et les amers que les marins se fixent sur les rivages, les empreintes des animaux que les chasseurs relèvent, les signaux de fumée des Indiens, les messages transportés par les pigeons voyageurs, les réseaux d'indices par lesquels se résolvent les intrigues des romans policiers – j'ai toujours pensé qu'il y avait dans la peinture de tels systèmes de communication, mais non pas tant entre le regardeur et le tableau qu'entre les parties du tableau lui-même, et selon des règles secrètes et vivantes que l'achèvement tend à dissimuler. La peinture de Jan Voss, qu'on la considère dans son ensemble ou séparément, feuille à feuille, donne plus qu'aucune autre la sensation d'une connivence interne. Système d'échos et de renvois, de rappels à l'infini qui en fait un art de la mémoire et qui transforme cet art de la mémoire dénué de toute rhétorique en forêt bruissante : espace d'un jeu de pistes dans lequel l'effacement des flèches fait partie du travail qui les dispose.
Ainsi disposée devant nous, et comme retirée provisoirement dans les mailles serrées de son réseau, l'œuvre de Jan Voss se déploie comme si elle était d'abord la mémoire d'elle-même, d'une part refaisant sans cesse le geste du commencement, d'autre part revenant sans fin sur ses propres traces et ceci aucunement au sens figuré, mais littéralement, puisque la plupart des œuvres sont composées de fragments et de signes divers, certains réalisés plusieurs mois voire plusieurs années auparavant. L'atelier de Jan Voss est comme une jonchée. La peinture, au sol, en morceaux, attend l'heure de la relève verticale, de la sélection qui exposera ensemble des passages discontinus.
Jan Voss, Sans titre, 1987, 120 x 80 cm.
[…] souvenons-nous : des sortes de graffitis apposés en séries en vinrent à se désigner plus fermement comme figures au sein de petites séquences narratives en forme de rébus. Puis ces figures perdirent poids et substance jusqu'à devenir des lignes, puis ces lignes pâlies de couleurs s'en allèrent au fil d'une aventure qui les fit trembler si fort qu'elles se remirent à former des formes, rencontrant en chemin des traces, des taches et des signes, le tout finissant par se rencontrer et s'emboutir jusqu'à sortir de la surface du tableau. Or tout est là toujours : les graffitis, les rébus, les lignes et les éclats, et de telle façon que la peinture “abstraite” de Jan Voss est aussi, et seule à l'être ainsi, narrative.
[…] Cet espace additif, cet espace qui agrège et qui coud ne cesse jamais de narrer, comme autrefois, quand il y avait des figures, et ce qu'il raconte, à travers graffitis, décollages, coloriages, plis, déchirures et froissements, c'est comme l'histoire du narrer lui-même, comme un éloge de la trace dans lequel les correspondances libérées produisent pourtant des sortes d'effets de nature, mais inventés […]
Jan Voss, Lieux-dit VII (gris anthracite), 210 x 157 x 26 cm.
Dans la mesure même où cet éloge de la trace est suspendu dramatiquement au-dessus d'un vide qu'il ne comble qu'en puisant dans la jonchée, il se soutient d'une posture toujours ambivalente envers l'image. Si ce n'est pas tant l'image (ici, dans ce cas) qui compte, mais si c'est le mouvement qui la fait et la défait, il devient alors fatal que l'artiste finisse par s'en prendre, sans rage mais logiquement, au support lui-même qui, même vierge et blanc, suggère déjà l'icône. Ainsi sont apparues ces peintures en relief dans lesquelles l'énergie accumulée force la limite de la surface et ceci de deux manières : sur les bords et dans le plan du tableau. […] »
Extraits de Jean-Christophe Bailly, “Jan Voss ou la crue des signes”, in Jan Voss, Repères, Cahiers d’art contemporain n° 61, Paris, Galerie Lelong, 1989.

Georges Perec - le dessin devient roman


Notes préparatoires pour La Vie mode d'emploi. Bi-carré latin orthogonal d'ordre 10 réglant la répartition dans les pièces de l'immeuble (c'est-à-dire aussi dans les chapitres du livre) des éléments des listes « positions » et « activités ». Pour le chapitre lxviii, dont le « cahier des charges » figure dans cet ouvrage, c'est le couple « entrer » et « réparer » que le système a sélectionné (le petit garçon à qui l'on interdit d'entrer, l'accordeur de piano).
(Fonds privé Georges Perec déposé à la bibliothèque de l'Arsenal, 61,104)

Cahier des charges du chapitre lxviii de La Vie mode d'emploi, regroupant l'ensemble des contraintes qui doivent s'appliquer à ce chapitre (1976).
(Fonds privé Georges Perec déposé à la bibliothèque de l'Arsenal, 61, 79)


« Car c'est bien le carré, comme figure emblématique du quadrillage, qui constitue une des bases de la géométrie fantasmatique perecquienne. Évoquer le carré comme lieu d'encrage, c'est aussitôt déployer (je me borne à l'essentiel) non seulement tout l'échafaudage de La Vie mode d'emploi, son damier de 100 cases, sa polygraphie, ses bi-carrés, son Compendium du chapitre LI avec ses trois strophes carrées (60 vers de 60 signes), le tableau carré que Winckler avait accroché dans sa chambre et celui que Valène rêvait de peindre (« Une grande toile carrée de plus de deux mètres de côté [...] quelques traits au fusain la divisaient en carrés réguliers »), mais aussi presque tous les poèmes hétérogrammatiques, faits d'autant de vers que chaque vers a de lettres (onzains d'hendécagrammes, douzains de dodécagrammes, sonnets hétérogrammatiques avec leurs 14 vers de 14 lettres, etc.), et encore, plus minuscules, le carré magique participant au réglage secret des « Deux cent quarante-trois cartes postales », ou bien, plus troublant, « le quadrilatère presque achevé de la ferme », déjà présent dans Les Choses, au seuil de l'œuvre à venir et comme préfigurant, plus de dix ans à l'avance, à la fois le plan de l'immeuble du 11, rue Simon-Crubellier et la localisation parisienne de cette rue imaginaire « qui partage obliquement le quadrilatère que forment entre elles, dans le quartier de la Plaine Monceau, xviie arrondissement, les rues Médéric, Jadin, de Chazelles et Léon-Jost ». Or dans cette localisation, l'important n'est pas la précision référentielle avec ses quatre rues bien réelles du 17e arrondissement, qu'un lecteur soucieux de réalisme pourra repérer sans mal sur un plan de Paris, mais bien la forme du quadrilatère et de sa diagonale, comme le prouve la lecture des avant-textes. »

Extrait de Bernard Magné, “Quelques pièces pour un blason ou les sept gestes de Perec” in Portrait(s) de Georges Perec, par Paulette Perec, Bibliothèque nationale de France, 2001.

mercredi 7 octobre 2009

Ce qui fait danse


La Part de l’Œil n° 24 – 2009

Dossier : “Ce qui fait danse : de la plasticité à la performance”
Ce volume espère dégager une esthétique de la création, de l’acte créateur, partant à la fois des tentatives les plus récentes de la danse pour se donner un espace de pensée et des nombreuses interactions entre le champ de la danse et celui de la plasticité, qui tous deux se confrontent aux notions de forme et de figure, aux relations du mouvement et du tracé par exemple. Le titre de l’article de Michel Guérin résume sans doute au mieux ce volume : “D’un danser de l’art”, postulant que la danse « est le paradigme, pour ainsi dire matriciel, de tout comportement de type esthétique » et fournit le schème de tout poïétique des arts. L’on ne s’étonnera dès lors de croiser ici des références à Ravaisson, Bergson, Valéry entre autres.
Ce sont également un certain nombre de topoï qui sont revisités : Rémi Labrusse reprenant dans un superbe article la question complexe des rapports de Matisse à la danse, Chakè Matossian interrogeant les relations à la danse et aux ballets chez Fernand Léger, Luc Richir se saisissant de la volte de Camille Claudel sans compter les différents auteurs qui abordent les liens étroits se nouant avec la pensée de la plasticité à chaque fois que la danse se fait performance.
L’actualité de ce volume croise la parution des ouvrages de Véronique Fabbri (Paul Valéry, le poème et la danse, éditions Hermann, Paris, août 2009), de Edwige Phitoussi (La figure et le pli – Degas, Danse, Dessin de Paul Valéry, éditions L’Harmattan, Paris, juin 2009) et de Frédéric Pouillaude (Le désœuvrement chorégraphique. Etude sur la notion d’Œuvre en danse, éditions Vrin, Paris, mars 2009), tous au nombre des auteurs de ce volume de La Part de l’Œil.
Editions La Part de l’Œil, Bruxelles, 2009
256 pages
format 21 x 29,7 cm
64 ill. en n/b et 19 ill. en couleur
ISBN 978-2-930174-40-2
Paru en septembre 2009